Pour rappel, la Sustainable Finance Disclosure Regulation ou SFDR, en vigueur depuis mars 2021, impose aux institutions financières de déclarer la teneur en investissement durable des fonds qu’elles commercialisent. Très technique, trop lourd pour les petits acteurs, grande marge d’interprétation et manque de transparence, les critiques sur ce premier texte étaient vives.

Ce flou se reflète d’ailleurs dans la part impressionnante des fonds Article 8 : 56 % du marché, laissant croire qu’une majorité serait durable (étude Morningstar Sustainalytics). Les projections SFDR 2.0 ramènent ce chiffre à 32 % dans les scénarios les plus stricts.

La révision proposée par la Commission répond ainsi à beaucoup des critiques de la place… mais appelle à structurer un projet intégré avec DDA et MiFID II pour gagner en efficience.

Du cadre réglementaire à l’exécution opérationnelle : la nouvelle réalité SFDR

La proposition présentée par la Commission européenne le 20 novembre 2025 a pour ambition de clarifier la classification des produits, de simplifier les reportings, renforcer la qualité et la gouvernance des données ESG, et d’encadrer strictement l’utilisation des termes liés à la durabilité (“ESG”, “Sustainable”, “Durable”). Elle vise ainsi à améliorer la comparabilité entre produits, renforcer la confiance des investisseurs et mieux orienter les flux financiers vers une transition durable réelle. Cette proposition sera discutée dans les prochains mois, pour une entrée en vigueur en 2028.

Des impacts sur toute la chaîne de valeur

SFDR 2.0 impose une cohérence stricte entre l’ambition durable affichée, les investissements détenus et l’information communiquée au client. De quoi transformer l’ensemble de la chaîne de valeur d’un assureur.

En gestion libre, les assureurs devront désormais démontrer que chaque support proposé reflète fidèlement le profil ESG du client. En gestion pilotée, le changement est encore plus structurant. La nouvelle catégorisation SFDR redéfinit le périmètre d’investissement, imposant de revoir l’architecture financière et nécessitant un cahier des charges ESG renforcé pour les assets managers.

Ce repositionnement conduit à la reclassification de l’ensemble du catalogue d’unités de compte. Il constitue ainsi un enjeu majeur pour les assureurs qui dépendent de la capacité des sociétés de gestion à fournir des données fiables et auditables. Une fois la classification stabilisée, les produits et mandats doivent être adaptés afin d’intégrer opérationnellement les nouveaux critères d’éligibilité, comme les exclusions minimales pour les fonds article 7, 8 et 9 par exemple.

Nouvelle responsabilité des assureurs dans la gouvernance des données

Cette approche nécessite une gouvernance des données ESG robuste, permettant de tracer, documenter et contrôler la qualité des données utilisées, conformément à l’article 12a. L’assureur devient un « gatekeeper », en charge de vérifier la cohérence des données avec la classification du fonds associée.

Cette exigence de cohérence se prolonge ensuite dans la dimension engagement/actionnariat. Les catégories « Transition » et « Sustainable » rendent l’engagement obligatoire, avec une obligation de suivi annuel et un mécanisme d’escalade pouvant aller jusqu’au désinvestissement.

Refonte obligatoire des disclosures réglementaires

SFDR 2.0 impose également une refonte des disclosures réglementaires. L’ensemble des documents contractuels — KID PRIIPs, notices, argumentaires commerciaux — doit être mis à jour pour refléter la nouvelle catégorisation SFDR et éviter toute ambiguïté pour le client.

Enfin, la réforme touche directement la distribution. DDA et MiFID II s’appuieront désormais sur les catégories SFDR pour qualifier les préférences durables des clients.

SFDR 2.0 et DDA/MiFID II : structurer un projet intégré

Préférences de durabilité : l’impact indirect de SFDR

SFDR 2.0 rebat assurément les cartes en ce qui concerne les exigences d’adéquation et d’appropriation. Les nouvelles exigences de classification des produits obligeront à terme les assureurs à reconstruire leur mécanique d’adéquation client-produit réglementée par DDA/IDD-MiFID II.

Principal irritant : le questionnaire ESG. Les contrôles ACPR ont déjà montré qu’il n’était pas assez élaboré. L’évolution de sa nature demain devra le rendre capable de capter un véritable profil ESG client. Ce profil est la pierre angulaire du processus : l’accès à l’offre lui est conditionnée et impose la possibilité que le cas échéant, aucune solution adaptée n’existe.

Avec SFDR 2.0 tout se réorganise : processus POG réévalués, documents produits mis à jour, formation réseau, renforcement des contrôles anti-greenwashing. SFDR 2.0 impose in fine un alignement strict entre profil ESG et supports proposés, nécessitant un besoin de pilotage continu et une montée en maturité réglementaire. SFDR 2.0 n’est pas une mise à jour, c’est une reconstruction opérationnelle.

Deux réglementations, un même objectif

SFDR 2.0 et DDA/MiFID II ne sont donc pas deux sujets distincts, mais bien deux faces d’une même exigence : l’alignement des conseils financiers sur les préférences durables des clients. Le devoir de conseil impose de définir un profil investisseur complet, combinant composante risque (allocation) et composante durabilité (préférences ESG). Or, la conformité de cette allocation dépend directement de la classification SFDR des actifs sous-jacents. Si ces derniers ne correspondent pas aux attentes ESG du client, l’assureur s’expose à un risque de non-conformité sur le volet DDA (devoir de conseil) et sur le volet SFDR.

Dans ce contexte, il ne s’agit pas de dupliquer les initiatives, mais bien de structurer un projet et une gouvernance intégrés SFDR–DDA pour éviter les incohérences réglementaires et optimiser les efforts de mise en conformité. Cela doit permettre aussi de garantir que les produits proposés, la documentation commerciale, les outils de recommandation et l’expérience client racontent la même histoire. Une gouvernance unifiée permettrait également de gagner en productivité, d’optimiser les ressources en interne tandis que les clients bénéficieraient d’une transparence renforcée et d’offres alignées sur leurs attentes.

A un moment où l’ACPR resserre la vis, les assureurs n’ont pas le choix : ils doivent associer leurs projets SFDR et DDA/MiFID II.

Conclusion

La SFDR 2.0 et la DDA/MiFID II offrent aux assureurs une opportunité de repenser leur approche ESG en alignant produits, conseils et préférences clients. Pourtant, un défi persiste : comment mesurer l’impact final des investissements, notamment dans l’économie réelle, quand la SFDR est calibrée pour les actifs cotés et que la data ESG manque pour les PME. À l’heure où la réglementation pousse à flécher l’épargne vers des véhicules durables, notamment à travers la LIV (Loi Industrie Verte), la SFDR est-elle vraiment taillée pour atteindre cet objectif ? La période de négociation qui s’ouvre sur le texte fournira peut-être l’occasion d’ajuster le dispositif en ce sens.

 

 

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